Chap.3 : l’action Reynhardt.

L’histoire de la 2e guerre mondiale a ceci de particulier qu’elle est incourtounable puisque inclus dans les programmes scolaires, qu’elle est également très largement documentée aussi bien par le nombre d’écrit qui lui est consacré que par les heures de diffusion télévisuelles, et pourtant elle est très mal connue.

"Aktion Reinhard ou Opération Reinhard en français est un nom de code qui désigne l’extermination systématique des Juifs, des Roms, des Sintis et des Yéniches du Gouvernement général en Pologne pendant la période du Troisième Reich.
[…]
Cette opération a été baptisée « Aktion Reinhard » peu après l’assassinat de Reinhard Heydrich, chef de l’Office de Sécurité du Reich.
" (1)

Ceci mérite un examen attentif.

Odilo Globocnik était en charge de l’opération Reinhardt. A ce titre il entretenait une correspondance assez fournie avec différents acteurs de son époque.

En voici quelques exemples (cliquez pour zoomer).

aktion Reynhardt aktion Reynhardt GlobocnikAktion Reinhardt - Globocnik - 5359 - 1944-01-05 

Tous ces documents sont relatifs à l’action Reinhardt (2)

Il convient ici de prêter une grande attention à l’orthographe de Reinhardt.
En effet, sur tous les courriers de Globocnik, Reinhardt s’écrit avec un « t » et non pas Reinhard.

Ce détail est-il vraiment important ?
Oui, très. Car le changement d’orthographe peut signifier un changement de référence et modifier notre perception de l’action envisagée ; rappelons-nous que cette « action Reinhardt » nous est présentée comme une vengeance donnant lieu à une extermination.

Voyons le cas où la référence serait bien Reinhard Heydrich. Première remarque, cela signifierait que Globocnik ne cesse de se tromper, ce qui est tout de même étonnant d’autant que malgré l’échange de courrier personne ne le corrige. Deuxième remarque, il est encore plus surprenant de voir un prénom à l’origine d’une action plannifiée. Aurions-nous droit à une « action Nicolas » ou « action François » ou encore « action Charles » ? Fort peu vraisemblablement. Ce serait plutôt « action Sarkozy » ou « action Hollande » ou encore « action de Gaulle ». Et dans l’armée allemande cela paraît d’autant plus évident.

Mais alors, si ce n’est Reinhard Heydrich qui cela peut-il être ?
Il suffit de lire les courriers qui ont trait à l’action Reinhardt pour le savoir.

Voici quelques lettres trouvées dans la librairie de la Harvard Law School : (3)
– Hans K. Hohberg le 3 août 1943 – HLSL n° 4304
– Heinrich Himmler le 30 novembre 1943 – HLSL n° 4403
– Oswald Pohl le 9 décembre 1943 – HLSL n° 4408
– Hans K. Hohberg le 26 June 1943 – HLSL n° 4411

Or, nous nous apercevons que d’une part, dans toutes les lettres Reinhardt s’écrit avec un « t », et que d’autre part, le contenu des lettres est exclusivement d’ordre économique.
En dehors d’Himmler qui est le chef de Globocnik, les deux autres correspondants sont des économistes :
– Hans K. Hohberg (Dr., auditor for exec. office, Amtsgruppe W in WVHA, SS)
– Oswald Pohl (Chief of WVHA (SS Econ. and Admin. Main Office); Lt. General Waffen SS).

Dans ce cas le nom Reinhardt fait référence à Fritz Reinhardt, secrétaire d’état aux finances.
L’ensemble devient alors cohérent :
– nous avons bien un nom et non pas un prénom, ce qui est tout de même plus plausible
– l’orthographe utilisée par tous les correspondants est correcte
– le contenu des lettres est en adéquation avec la référence.

Il est important de prendre connaissance des arguments du ‘Reinhard’ sans ‘t’.
Chez phdn une page y est consacrée. (4)
Sont évoqués Richard Breitman et Shlomo Aronson pour qui Himmler orthographiait parfois mal Reinhardt. C’est faire peu de cas des courriers de Hohberg, Pohl et des autres.
Et cette version présente toujours l’inconvénient d’utiliser un prénom pour nommer une action engageant le gouvernement allemand.

D’autant que rendre hommage à Reinhard Heydrich qui fut abattu par des résistants tchèques n’a guère de sens dans une vengeance à l’encontre des Juifs.

Faute de document qui prouve que le nom choisi est celui de l’un ou de l’autre nous en sommes réduits à des suppositions. La version la plus vraisemblable semble être que Reinhardt fait bel et bien référence à Fritz Reinhardt.

Dans le meilleur des cas, si l’on devait défendre la version Reinhard Heydrich, il conviendrait d’utiliser le conditionnel et de présenter en toute hônneteté les incertitudes autour de cette nomination. Mais ce n’est jamais le cas, car il est nécessaire de faire croire que l’action Reinhardt est une vengeance.

Après les oublis systématiques de faits aussi importants que la déclaration de guerre des Juifs et le pacte du transfert, nous voici devant une autre perversion de l’histoire : la diffusion de fausses certitudes.

Dès lors, il paraît évident que cette manipulation des faits n’est pas fortuite, elle dénote une volonté délibérée de réécriture de l’histoire.

(1) – http://fr.wikipedia.org/wiki/Aktion_Reinhard
(2) – http://nuremberg.law.harvard.edu
(3) – Utilisez l’adresse ci-dessus et rentrez le n° HLSL dans le module de recherche pour trouver la lettre en question.
(4) – http://www.phdn.org/histgen/reinhard-nom.html

Laisser un commentaire


NOTE - Vous pouvez utiliser les éléments et attributs HTML tags and attributes:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>